Au Mexique, la ‘street food’ garde sa saveur mais perd sa couleur – 03/06/2022 à 07:54


Kiosques de cuisine de rue à Mexico, le 1er juin 2022 (AFP/Alfredo Estrera)

C’est tout aussi bon, mais les visuels sont bien pires : les restaurants de rue de style mexicain servent toujours des tacos juteux ou des « tortas » (sandwichs) en sirotant de la sauce, mais l’œil exercé peut le voir dans ce manque de goût de couleur dans le festin.

Dans le centre-ville, les « puestos de comida » (« stations alimentaires ») ont perdu leur identité visuelle. Finies les illustrations graphiques qui ornaient chaque kiosque : les fruits des vendeurs de « Super Healing Juice », les porcelets souriants, les lettres rouges pour « Delicious Stewed Tacos ».

Une fois terminée, cette conception graphique populaire annonce le menu du jour depuis le 19ème siècle à ce qui était alors généralement une foule analphabète.

Désormais, à chaque coin de rue, de simples comptoirs en tôle laminée se ressemblent, ornés d’un message insipide : « La mairie de Cuauhtémoc est votre maison ».

L’un des 16 quartiers de Mexico, Cuauhtémoc est le joyau de la couronne, avec sa cathédrale, son centre historique et les quartiers ultra-chics (parcs, rues bordées d’arbres, immeubles du XIXe siècle) de Condesa, Roma et Juarez.

– « Tu l’enlèves, ou tu te tire une balle » –

Il y a quelques mois, la mairie de Cuauhtémoc – du nom du dernier empereur aztèque – a demandé la suppression des menus visuels ornant les kiosques et les stations de « street food ».

Dès juin 2021, la jeune maire de Mexico, Sandra Cuevas, a affirmé que « l’amélioration de l’image de la ville » est une question « d’ordre et de discipline », en retirant une élection à la gauche au pouvoir Morey Cuauhtémoc des mains du C’est la fête.

Cuevas, 36 ans, a acquis une notoriété pour avoir attaqué un policier en mars. Suspendue provisoirement de ses fonctions, la jeune élue a dû présenter ses excuses au casque bleu.

Les événements de « puestos de comida » semblent risibles comparés aux multiples problèmes d’une ville de 9 millions d’habitants (circulation, pollution, prix des loyers, risque sismique, criminalité à quelques kilomètres de la douceur de vivre de la Condesa à Rome).

Un restaurant de rue à Mexico, dans le quartier central de Cuauhtémoc, sans aucune identité visuelle (AFP/ALFREDO ESTRELLA)

Mais un groupe de personnes opposées à l’initiative de Cuevas a déclaré que c’était le pop art et l’imagerie traditionnelle de la ville qui étaient assassinés.

« C’est une atteinte à l’identité de la ville et de tous les +chilangos+ (habitants de Mexico) », a ordonné à l’AFP l’historien de l’art Aldo Solano, 35 ans.

Les locataires des « puestos » n’ont pas osé manifester par crainte de représailles.

« Ils nous ont dit: sortez-le ou partez », a déclaré un restaurateur dans la rue, qui a demandé à ne pas être nommé.

Avant même son élection, la maire Sandra Cuevas a été accusée par les responsables de Mexico d' »extorsion » contre les petites entreprises informelles, ce qu’elle nie.

La décision de Cuevas a été « une très grosse erreur », a soupiré Adan Navarrete, 53 ans, qui a servi dans le graphisme des panneaux de signalisation pendant plus de 30 ans. « Même si ça a l’air simple, c’est un art ».

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