Entre le stand de jambon et le stand de macaron, le spectre de l’inflation


Porte de Versailles à Paris

Après trois ans d’absence pour cause de Covid-19, la foire de Paris fait son grand retour depuis jeudi. Bien sûr, il y a aussi de grands stands. Dites adieu aux masques et au confinement et dites bonjour au jambon corse, à l’huile d’olive de Provence, au caramel au beurre salé de Bretagne ou au nougat de Montélimar. Très bon produit odorant dans notre région.

Mais derrière cette garniture de papilles fondantes, de sourires et de dégustations gratuites, un mot traverse l’esprit de tous les artisans : l’inflation. Selon les données de l’INSEE, la proportion a atteint 4,8 % en avril, avec l’industrie alimentaire à 3,8 %. La hausse se poursuivra car la Banque mondiale estime que les prix des denrées alimentaires devraient rester élevés jusqu’en 2024 au moins.

Une inflation élevée comme aujourd’hui ne consiste pas seulement à vendre des produits plus chers… et des Français qui consomment moins. Toujours selon les données de l’INSEE, la consommation des ménages a baissé « significativement » de 1,3% en mars. « La baisse est principalement due à la baisse de la consommation alimentaire (-2,5%) et, dans une moindre mesure, de la consommation énergétique (-1,6%) », a noté le BES.

maudite inflation

Les Français vont-ils passer à une alimentation moins chère, quitte à abandonner les locaux et les artisans ? « L’inflation, on la supporte tellement bien, faut pas regarder les chiffres », soupirait Sébastien à la foire de Paris, maître nougatier. Carrefour vend 100 grammes de nougat à moins de 2 euros, moi j’en vends 7 pour 7. On peut C’est pas mieux. Évidemment, ce n’est pas du tout le même produit. Mais quand les gens n’ont pas d’argent, ils n’ont pas le choix. »

Sandrine avait la même tristesse, avec son étal proposant de délicieux jambons et fromages de Bayonne. Les temps sont durs et loin des promesses que l’on avait faites lors de la première levée des restrictions : « Tout ce discours sur les circuits courts, la bonne bouffe, les produits locaux… On s’attend à être fous dans les années qui suivront cette prise de conscience ». La guerre en Ukraine, la hausse des prix et l’inquiétude des Français quant à l’avenir s’ensuivirent. « Nous, comme tout le monde, avions de grands espoirs pour le célèbre monde d’après. Au final, ça s’est avéré pire qu’avant », haleta l’artisan.

Ajustez votre stratégie

Alors que faire? La solution la plus évidente est de combattre le mal en baissant les prix. L’expert en viande corse Maxence a imploré que le prix unitaire du produit était inférieur à l’offre promotionnelle. Pour 20 euros, vous pouvez acheter toutes sortes de saucisses sur l’île. Bon pour nos estomacs, certes, mais qu’en est-il de lui ? « Nos bénéfices sont faibles, mais les ventes et la démonstration sont importantes. Les temps seront meilleurs et nous nous en tiendrons. »

L’avantage de la promotion, c’est qu’elle permet d’acheter au lot, ce qui fait du bien à Maxence : « Il y a moins de clients, ils viennent moins souvent, dit-il de son magasin de l’île de Laguna. Parfois, il vaut mieux lui vendre beaucoup. » produit d’un coup, parce qu’on ne sait pas quand il reviendra. Plus on vend, plus on peut gagner. »

Inversant la stratégie générale d’un étal de macarons à proximité, les prix suivent l’inflation et la demande chute. « On est devenu un luxe, et si tu veux survivre, il faut être payé pour ça. On achète moins, donc on vend plus. Simple logique économique », raisonne Claude.

Produits de marque

C’est le mot d’ordre général et l’intérêt d’être présent au salon : faire connaître le produit et démontrer sa qualité, justifier son prix même dans les moments difficiles. « On parle de nougat au même titre que de viande : en manger un peu de temps en temps, mais de bonne qualité, pas trop et pas mal », s’amuse Sébastien, dont le nougat à la pistache vient d' »italien, beurre de cacahuète, et même CBD ». Claude et ses macarons foisonnent : « On ne va pas se contenter de vendre à perte ou de convaincre les gens que les gens peuvent en acheter tous les jours. Faisons en sorte d’être un luxe accessible et d’être consommé comme tel. »

Malgré ses délires, Sandrine croit toujours à des jours meilleurs :  » Les beaux jours arrivent où les gens s’invitent davantage, organisent des sorties, bougent. De bons moments pour nos produits.  » Dernier sourire de Maxence :  » Produire ou vendre nos produits est très compliqué pendant Covid-19. Là on peut au moins travailler et on ne va pas trop se plaindre. Maintenant c’est à nous de convaincre. »

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