Le cadre réglementaire est-il inadapté ?
Pizza, fromage et chocolat : ce n’est pas le menu de votre prochain repas, mais les produits Buitoni, Lactalis, Ferrero à l’origine d’une récente série de crises sanitaires. Malheureusement, elles affectent principalement la santé des populations vulnérables, notamment les enfants : 48 enfants et deux adultes de plus de 90 ans ont été contaminés par des pizzas contenant la bactérie, selon l’Agence française de santé publique. Escherichia colifaisant deux morts.
Les cas sont plus bruyants car ils impliquent des géants de l’agroalimentaire, et la production de masse amplifie les effets des problèmes de santé, tout comme ils se répartissent en France, car les victimes se retrouvent presque partout dans le monde : pour le chocolat Kinder avarié lié à la salmonelle Rappels ont eu lieu non seulement en Europe, mais aussi en Asie, dans les Amériques et en Océanie.
Alors peut-on parler de fraude sur l’entreprise ? Ou manque de contrôle officiel ? Il faudra attendre l’avis du tribunal sur chaque cas pour déterminer la responsabilité de chaque entreprise et autorité publique. Dans le même temps, les mises à jour de la législation existante dans ce domaine nous permettront de mieux comprendre si ces crises sont causées par des cadres réglementaires faibles ou même des sanctions faibles.
obligations d’autocontrôle
L’émergence de la libre circulation des marchandises entre les pays de l’UE a facilité les échanges, mais aussi la distribution de produits alimentaires potentiellement dangereux pour la santé humaine et animale. La crise sanitaire des années 1990, notamment la crise dite de la vache folle, a eu pour effet l’électrocution, conduisant les institutions européennes à refondre les lois européennes sur la sécurité alimentaire.
Depuis 2005, à travers l’UE, toutes les entreprises de l’industrie alimentaire, de la ferme à la table, des plus grandes multinationales aux épiceries de proximité, ont une série d’obligations visant à protéger les consommateurs et à assurer le bon fonctionnement du marché. en particulier à l’autocontrôle et à la coopération commerciale, à la sécurité et à la traçabilité des denrées alimentaires et à l’information des consommateurs. L’obligation d’autocontrôle est souvent citée comme une faiblesse de ce nouveau système.
Elle participe à un changement de paradigme dans la logique de surveillance de la santé et de la sécurité de la chaîne alimentaire en déplaçant la responsabilité du contrôle des pouvoirs publics vers les entreprises. Nous parlons maintenant de la responsabilité première des exploitants du secteur alimentaire, les autorités publiques assurant des contrôles secondaires.
Ainsi, de manière générale, la législation impose aux entreprises un devoir de vigilance vis-à-vis des risques sanitaires, en plus du devoir de vendre des produits sûrs et non dangereux.
Les procédures d’auto-test varient en fonction des sensibilités sanitaires des aliments (viande fraîche par rapport aux grains de café) et des volumes de production. Ces procédures reposent sur le respect des bonnes pratiques d’hygiène applicables aux locaux, au matériel, au personnel, aux aliments et au fonctionnement général de l’exploitation.
Les opérateurs doivent également établir un système de traçabilité des produits lié à leurs fournisseurs en amont et un système de traçabilité des produits lié à leurs clients en aval. En cas de crise sanitaire, comme c’est le cas actuellement, cette obligation permettra d’identifier au plus vite la source de la contamination.
Renforcer la gestion des risques
Ces obligations sont-elles pertinentes au regard des objectifs de sécurité sanitaire ? Selon la Commission européenne, qui a révisé la législation alimentaire générale en 2018, la réponse est oui.
Hormis la réforme de la transparence des évaluations scientifiques des risques, aucune incohérence systématique n’a été constatée. Des lacunes concernant les mesures de gestion des risques qui varient selon les pays membres ont également été relevées.
Ainsi, en France, les obligations d’autocontrôle et de coopération sont réglementées dans le cadre légal dit Egalim du 30 novembre 2018. La réforme fait suite à une affaire dite « Lactalis » en 2017 concernant du lait infantile contaminé, dans laquelle des irrégularités ont été constatées. Le Code rural impose désormais aux entreprises d’informer les autorités publiques lorsque :
« Sur la base des résultats de toute auto-surveillance, considère ou a des raisons de croire que les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux qu’il importe, produit, transforme, fabrique ou distribue présentent ou peuvent présenter un risque pour la santé humaine ou animale. »
Les modalités d’application de cette réglementation sont prescrites par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation qui fournit, entre autres, un schéma des procédures à suivre en cas de résultats d’autotests défavorables.
« Présence de rongeurs dans les boulangeries », « Manque de mesures d’entrée et de lutte antiparasitaire adaptées aux activités alimentaires », « Manque d’entretien et de nettoyage », « Manque de revêtements faciles à nettoyer », tels sont les constats de la Population Conseil sectoriel de la protection, Le constat a conduit à la fermeture administrative d’une usine de fabrication de pizzas contaminées à Caudry (Nord) le 6 avril. Au vu de ces faits, il apparaît avoir violé les obligations de la législation alimentaire. Ils seront sûrement poursuivis et même punis.
Mêmes règles, sanctions différentes
Les entreprises s’exposent à des sanctions si elles ne respectent pas ces obligations. Contrairement aux obligations harmonisées au niveau européen, les violations des règles de sécurité alimentaire relèvent de la compétence des États membres. En d’autres termes, si des entreprises en France, en Espagne, en Allemagne ou même en Pologne avaient la même responsabilité en matière d’hygiène, elles seraient passibles de sanctions différentes si elles enfreignaient ces règles.
En France, les manquements aux règles d’hygiène sont avant tout des crimes ou délits. Premièrement, la détention de denrées impropres à la consommation est passible d’une amende de 1 500 € par infraction (maximum). Par exemple, une entreprise aquacole a été condamnée à une amende de 5 136 € pour des défauts de traçabilité dans 136 expéditions de mollusques.
Si les circonstances sont plus graves, le délit de tromperie peut être retenu. Si un crime ou une tentative d’acte conduit à l’usage de biens mettant en danger la santé humaine ou animale, il sera puni d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et 300 000 euros d’amende, voire sept ans et 750 000 euros d’amende, ce qui bientôt le cas dans l’agroalimentaire (tromperie aggravée).
Pour les personnes morales, l’amende peut être majorée jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel moyen en fonction du bénéfice du délit. Ces sanctions sont-elles suffisamment convaincantes ? Une chose est sûre, ils le sont plus que jamais. Jusqu’en 2014, la tromperie était passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 37 500 € (187 000 € pour les personnes morales).
Concernant la pizza Buitoni, on peut également envisager un homicide involontaire compte tenu du premier élément observé. En mars 2020, dans un cas similaire de contamination à E. coli n’ayant pas causé la mort, la Cour suprême a confirmé la condamnation pour blessure intentionnelle d’un dirigeant d’une entreprise de production de steak haché qui ne respectait pas le Règlement. Obligations de prudence et de sécurité en vertu de la législation alimentaire européenne.
