« Nous entrons dans un été d’incertitude », déclare un expert après que l’Inde a interdit les exportations de blé


« Nous nous dirigeons vers des semaines plus difficiles et un été d’incertitude« L’Inde, deuxième producteur mondial de blé, a décidé d’interdire les exportations dans le pays face à une canicule extrême, selon une estimation de France Info samedi.

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Sur fond de crise du blé déjà exacerbée par la guerre en Ukraine, celui qui est aussi le directeur du think tank Demeter spécialisé dans les questions agricoles craint un monde »risque d’être provoqué » si »Chacun se concentre sur ses besoins internes« .

franceinfo : L’Inde peut-elle résoudre seule sa pénurie de blé ?

Sébastien Abis : Non, en aucun cas. Bien qu’elle soit le deuxième producteur mondial, l’Inde a 1,4 milliard de personnes à nourrir et surtout à protéger sa sécurité alimentaire. C’est aussi un pays au climat très variable, et on a vu ces dernières semaines des températures déraper, d’où l’annonce que sa récolte 2022 ne sera pas aussi prometteuse que prévu. De nombreux experts sont déjà sceptiques quant à l’offre généreuse de l’Inde et à sa capacité à atteindre des exportations de 10 millions de tonnes. Elle ne le fera pas. Nous verrons s’il peut tenir certains de ses engagements ces dernières semaines, mais la décision de New Delhi n’augure rien de bon pour la coopération alimentaire internationale. Nous nous dirigeons vers des semaines plus difficiles et un été incertain, les prix sont très élevés, et l’origine indienne ne suffit pas à atténuer les pertes en Ukraine, sachant que d’autres origines sont également touchées par la sécheresse.

franceinfo : Faut-il s’attendre de plus en plus à ce protectionnisme ?

Oui, nous répétons ce qui s’est passé lors de la crise alimentaire de 2007 et 2008, et ces pays étaient plus disposés (non sans raison) à protéger leur sécurité alimentaire. La plus grande différence est que le multilatéralisme et la coopération internationale sont très dégradés. Malgré les déclarations de certains pays, on voit clairement que la solidarité mondiale s’affaiblit. C’est l’importance des initiatives prises par l’UE et la France, notamment l’initiative FARM, qui appelle à maintenir les échanges et l’aide alimentaire d’urgence dans les semaines à venir, tout en redémarrant la production, car entre risques climatiques et risques géopolitiques, nous allons La sécurité alimentaire est assurée en pensant internationalement plutôt que chacun pensant par lui-même.

franceinfo : Sommes-nous face à ce que craignent les scientifiques, un changement climatique qui conduira à la famine ?

Oui, c’est pourquoi il faut combiner la lutte contre le changement climatique, en s’adaptant à des variations climatiques très fortes d’année en année, et une lutte productive pour maintenir la production agricole au niveau actuel. C’est aussi pour maintenir le commerce international et éviter les risques d’instabilité sociale dans certains pays. Les questions agricoles et alimentaires doivent continuer à être considérées comme des domaines importants de la diplomatie internationale et de la désescalade. Le monde à venir peut être assez excitant si chacun ferme ses besoins intérieurs.

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