Pâtes et burgers à la spiruline : Gembloux concocte l’espace repas du futur
Comment faire en sorte que l’alimentation d’un astronaute contienne tous les apports nutritifs nécessaires, soit la plus appétissante possible et s’adapte aux nombreuses contraintes de l’environnement spatial ? Une équation complexe est actuellement travaillée par le Smart Gastronomy Laboratory (SGL) de Gembloux à Namur, un laboratoire de recherche spécialisé dans le domaine alimentaire, qui vient d’établir un partenariat avec l’Agence spatiale européenne (ESA).
ingrédient prometteur
Avant d’imaginer et d’expérimenter des recettes, les chercheurs de Gembloux ont d’abord dû intégrer un prérequis : au moins 50% des protéines de leurs préparations devaient provenir de la spiruline, une microalgue qui, selon l’ESA, pourrait à terme être cultivée sur des véhicules spatiaux : »L’idée est de produire nos propres protéines fraîches à l’intérieur de la navette spatiale, ce qui se traduira par un produit de meilleure qualité qui se traduit directement par des aliments savoureux et sains. » Dorothée Goffin, Directrice du Smart Food Lab, nous explique.
Dans un coin du labo, une étudiante française, Barbara, s’affaire devant une cuisinière électrique à cuisiner un hamburger aux lentilles et aux épices, piqué de l’incontournable spiruline. « L’intérêt de le préparer sous forme de hamburger, c’est que c’est quelque chose qui existe déjà, ce qui est important pour l’acceptation par les astronautes. Le but est aussi de le rendre plus agréable, car la spiruline peut être consommée crue sous forme de milk-shake, mais l’acte de manger ne se limite pas à ses strictes dimensions nutritionnelles, et les astronautes étudient aussi le plaisir gustatif.
Eric Haubruge, professeur à l’Université de Liège et co-fondateur de SGL, confirme : « Nous verrons cela lorsque des produits frais arriveront à l’ISS, et les astronautes seront plus motivés dans les jours qui suivent. Nous savons qu’il existe un lien très fort entre l’alimentation et le comportement humain, il y a donc beaucoup d’intérêt à pouvoir augmenter direct Part des aliments frais produits sur place ».
S’adapter aux contraintes d’espace
De l’autre côté du labo, Merim, étudiante également française, s’agite devant une marmite d’eau bouillante. A l’intérieur, 400ml d’eau, ni plus, ni moins. Une sonde y est insérée et reliée à un ordinateur qui affiche une série de graphiques. « Ohnaa a fait ce composant pour calculer l’énergie. Ce que vous voyez à l’écran est la puissance électrique en fonction du temps, et nous utiliserons ces données pour calculer avec précision le coût énergétique de l’ensemble de la production et de la cuisson des pâtes. « .
Car si on peut se permettre une certaine approximation lors de la cuisson des pâtes sur sol solide, c’est une autre histoire dans un espace confiné comme la navette spatiale, où les ressources sont particulièrement précieuses. Comme l’explique Dorothée Goffin, la cuisine de l’espace est un aliment de précision et de sobriété : « Nous utiliserons le moins d’eau et le moins d’énergie possible, et surtout nous recyclerons à chaque fois. Par exemple, l’urine des astronautes nourrit les microalgues, qui sont ensuite consommées par ces astronautes, il faut donc pouvoir tout optimiser au niveau de la conception du procédé et du produit, ce qui est à prendre en compte. »
« Il y a des problèmes de poids, on ne sait pas transporter des tonnes et des tonnes d’eau » En collaboration avec Eric Haubruger, »Tout est basé sur l’économie et sur le fait qu’il faut éviter l’abondance. Tout doit être calculé en fonction des apports environnementaux. Nous devrons intégrer ces paramètres lorsque nous allons développer nos nouveaux produits alimentaires. «
Si la recherche à Gembloux peut ajouter une pierre au grand édifice de la conquête spatiale, le temps où les astronautes cuisinent des pâtes et des burgers grillés à la spiruline est bien loin. « Nous essaierons de prototyper des machines capables de préparer ces produits dans l’espace, mais nous sommes loin de valider ces technologies.« Reconnaître Dorothy Goffin, »Ce sont des décennies d’horizons de recherche capables d’intégrer ces technologies dans la navette spatiale« .