PATRICK BERTRON : Le chef étoilé du relais Bernard Loiseau à Saulieu se confie à Infos Dijon


« La Bourgogne est la terre de la gastronomie, car partout où il y a du vin, il faut faire face à l’assiette et à la recette », a déclaré l’ambassadrice de l’art de vivre à la française.

C’est l’un des plus grands chefs de notre région. Il travaille à la Maison Loiseau depuis 40 ans, menant sa brigade au célèbre relais 2 étoiles Bernard Loiseau « La Côte-d’Or » à Saulieu. Patrick Bertron a été le sous-chef du grand Bernard Loiseau pendant 20 ans, puis il en est devenu le chef de cuisine pendant 20 ans, pour ensuite passer la main à la talentueuse Blanche Loiseau (aujourd’hui Côte-Gold). Patrick Bertron participe au projet de l’Académie de Gastronomie « Ferrandi » et apparaît dans l’exposition permanente de la Cité Internationale de la Gastronomie et du Vin.

Figure incontournable de la gastronomie française et acteur confirmé au CIGV, le chef se confie dans cet entretien, et on vous laisse découvrir :

Vous avez été impliqué dans le projet de l’école Ferrandi, pouvez-vous nous parler de cette expérience ?

Ce que nous faisons avec l’école Ferrandi, c’est de construire des programmes que les élèves doivent connaître, un peu sur notre monde sensoriel. Nous transmettrons à ces jeunes « Pourquoi est-ce que je fais cette cuisine ? », « Pourquoi est-ce que je recherche des produits autour de moi dans le Morvan et la Côte-d’Or ? » Comment est-ce que je les mets en œuvre dans l’assiette ?  » « . Avec tout ça, on va chercher des saveurs et des parfums qu’on ajoutera dans nos assiettes pour sublimer des produits qui n’existent pas forcément dans notre région.
Nous sommes à Saulieu, ce que M. Loiseau fait depuis des années, et certains d’entre nous ne viennent pas forcément manger ici. J’ai essayé de nombreuses fois de goûter des poissons très locaux, et au final nos clients veulent de beaux produits qui sentent bon la France. On va donc plus loin que la Bourgogne, mais on s’efforce d’amener à chaque fois la saveur locale. Nous sommes partenaires de l’école Ferrandi. Il est important qu’ils fassent de même lorsqu’ils rentrent chez eux, dans leur pays.

Pourquoi est-il important de faire découvrir au public le monde de l’alimentation ?

Faire découvrir le monde de l’alimentation au public est important pour la simple raison qu’il est culturel. C’est culturel en France, mais aussi dans la plupart des pays. Nous l’avons poussé au sommet en France. La cuisine est exceptionnelle, c’est l’attention portée à chaque détail. Quand tu vas chez un menuisier, il va essayer de comprendre tes besoins et te faire des suggestions, ensuite il va travailler le bois, on ne voit même pas ces choses là, mais quand on verra ses meubles, on va dire « Wow ! » Vous pouvez aller au magasin et acheter des meubles prêts et ce sera agréable mais pas personnalisé.
Nous avons été formés à la restauration enfantine et à la restauration scolaire dès le plus jeune âge. Utilisez un pourcentage de produits locaux. On voit aussi « 100% Côte-d’or ». Dans toutes ces étapes, c’est quelque chose que nous devons mettre en œuvre et apprendre dès l’enfance. C’est finalement la définition de la gastronomie. Demander aux gens de fabriquer d’excellents produits pour nous dépend de la façon dont nous les comprenons et faisons ressortir nos sensibilités gustatives. Quand je crée une recette, j’essaie de trouver comment je l’idéalise.
Parfois, notre perception de cette information est terrible, mais au fur et à mesure que nous nous construisons, nous réalisons que nous y avons été endoctrinés depuis l’enfance. Quand il y a quelques semaines pour goûter, on va à l’école pour apprendre aux jeunes ce que sont l’aigreur, l’amertume, etc. Cela veut dire que nous formons ces jeunes à la gastronomie.
Manger, ce n’est pas seulement acheter des plats chers, c’est avant tout un immense plaisir. Il faut savoir se le permettre, et alors on éprouve une satisfaction instinctive très passagère mais encore gravée dans nos esprits.

Est-ce une bonne nouvelle d’implanter cette cité œnogastronomique dans notre belle région ?

certainement! L’arrivée du CIGV dans notre région est une excellente nouvelle pour notre industrie. A tous les professionnels du tourisme de Bourgogne-Franche-Comté, car pour moi ça fait vraiment venir des touristes gourmands, des touristes qui viennent découvrir les produits. Notre région regorge de produits, qu’il s’agisse de vins ou de fromages et de recettes emblématiques (œufs en meurette, bœuf bourguignon, poulet Gaston Gérard, etc.). Les gens viendront d’abord dans cette ville qui s’ouvre et découvriront aussi Dijon, quand on découvrira Dijon on explorera les hôtels, les restaurants gastronomiques, et je suis sûr qu’ils viendront à Saulieu !

La Bourgogne est le pays de la gastronomie ?

Oui, bien sûr, la Bourgogne (et la Bourgogne-Franche-Comté) est la terre de la gastronomie, car partout où le vin est disponible, il faut faire face à l’assiette et à la recette. En Bourgogne on a des champignons, on a cette nature généreuse, on a des fermes charolaises et même des fromages fins. Tout cela fait qu’à partir de là, la gastronomie commence dans les hôtels, les bistrots, les restaurants gastronomiques, les grands hôtels…
La Bourgogne est la terre de la gastronomie car c’est aussi une terre de passages. Nous sommes situés sur l’axe Paris/Côte d’Azur et également sur l’axe reliant la Suisse et Paris. On voit des gens conduire pour voyager mais aussi pouvoir s’arrêter. Nous ne sommes pas loin de Paris et pouvons nous arrêter et visiter ici. On le voit dans toutes ces routes gourmandes, relais et châteaux qui sillonnent la Bourgogne. C’est une attraction puissante qui mène bien sûr à la gastronomie.

Le CIGV est un projet dont on parle depuis des années. Quelle a été votre première impression et que ressentez-vous maintenant que le projet a abouti ?

En effet, on en discute depuis plusieurs années, et au début on se demandait ce que ce serait, et on se demandait si ce ne serait pas un frein à nos propres institutions. Parce qu’évidemment nous allons avoir un restaurant à cet endroit, mais je pense que ça va être un véhicule pour les gens. Les touristes viendront bien sûr voir cet endroit, mais ils ne trouveront peut-être rien qui corresponde à leurs attentes. Ils visiteront un lieu, un lieu comme tout touriste, et voudront certainement aller dans d’autres restaurants, épiceries fines, ils trouveront des caves, des pâtisseries, des chocolateries….
Je crois bien qu’au début ce projet pouvait faire peur parce qu’on s’est dit que ce serait un concurrent, en plus ce serait un concurrent pour les installations institutionnelles. Mais je crois que c’est justement un avantage, une force, surtout en cette période où il faut reconstruire. Il faut reconstruire le tourisme, même avec des touristes français présents et redécouvrant la France et la Bourgogne. Mais quand elle s’ouvrira aux étrangers ce sera un vrai atout et je suis sûr que nous serons tous heureux d’avoir la Cité de la Gastronomie.

Entretien avec Manon Bollery
© Photo Manon Bolléry

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