Rues assoiffées, les barcelonais ne dorment plus


A l’approche de l’été, les terrasses des bars et des restaurants se remplissent de plus en plus et les barcelonais sont désespérés. Pendant des années, ils se sont plaints du bruit qui les empêchait de dormir chaque nuit.

Photo : Clémentine Laurent/Equinox

D’un côté de la rue, un groupe de trois jeunes hommes sirotait des verres de vin sur la terrasse. De l’autre côté, un résident local dans la soixantaine soupira et eut l’air frustré. « ça devient une rue assoiffée‘, observa-t-il la scène avec regret.

Ce diptyque se déroule au cœur de l’Eixample de Barcelone. Depuis des années, Carrer d’Enric Granados est le théâtre d’une lutte entre habitants et restaurateurs. Certains ont blâmé le bruit causé par les terrasses, qui les empêchait de dormir chaque nuit. D’autres ont répondu qu’il faut bien vendre pour vivre après un arrêt prolongé pendant la pandémie.

« Cris, applaudissements, tables et chaises qu’on traînait entre 2h et 3h du matina déclaré l’un des habitants, Jordi, et ce depuis 2014, lorsque la Carrer d’Enric Granados a réduit le trafic automobile et fait de la place pour les terrasses de nombreux bars et restaurants. À ce jour, la rue compte plus de 100 terrasses et près de 2000 chaises réparties sur un peu plus d’un kilomètre.“Presque chaque rez-de-chaussée a un bar et un restaurant», a conclu le résident.

Chaque bâtiment dispose d’un bar-restaurant

Graphique réalisé par le Catalan Daily News Ara Résumant la situation pour décembre 2021, on sait que le nombre de terrasses va augmenter depuis cette date, selon un communiqué de l’association SOS Enric Granados. Pour les voisins, bien que la terrasse longe la rue, le bruit le plus fort se situe entre Carrer de Mallorca et Carrer de Provença, où l’un des bars se transforme en « disco » la nuit.

« 96 rues de bars » : le nombre d’immeubles résidentiels et de bars-restaurants. Photo : SOS Enric Granados/Ara

Une nuit, de minuit à 1 h du matin, Jordi était tellement irrité par le bruit qu’il a utilisé une application mobile pour mesurer le volume perçu dans son appartement du quatrième étage. « On parle de 70 ou 80 décibels quand mes fenêtres sont ouvertes et à 22h on ne doit pas être au dessus de 60 décibels sur la terrasse« , a-t-il déclaré. Une voisine qui habite en face de Jordi a dit qu’elle avait dû déménager parce qu’elle ne pouvait pas dormir sur le côté de la rue. »Certaines personnes en ont marre et finissent par déménager», reconnaissant les deux pensionnaires.

habitant de la rue, membre d’une association ou sympathisant SOS Enrique Granados, alléguant que les bars avec terrasses ne respectent pas les horaires légaux de fermeture, sauf dépassement des limites prescrites. « Ils sont censés fermer à minuit du lundi au jeudi et à 1h du matin le week-end, mais évidemment, c’est un manque de respect.Ils ont fermé tard et le bruit a continué jusqu’à deux ou trois heures du matin, alors que les gens sortaient du bar et que le propriétaire du restaurant traînait des chaises et des tables pour dégager le patio..  »

Bien que les résidents contactent souvent la police pour intervenir, ils ne bougent pas toujours et ne sont pas nécessairement punis.

Le « harcèlement » des restaurateurs

Mais traverser la route est une autre histoire. La plupart des établissements blâment les autres et tous prétendent respecter strictement les réglementations en matière de bruit et les heures de fermeture. Pour l’un des bar-restaurants, certains habitants de la rue se sont comportés comme du « harcèlement ». « La police nous a été envoyée presque chaque semaine il y a un an!Ils font tout pour nous punir et souvent on n’obtient rien car tout est en ordres’exclame le patron d’une agence.Certains voisins se donnent beaucoup de mal pour nous rendre la vie impossible. Ce n’est pas juste, on ne peut plus respecter le travail de la loi après la fermeture de l’épidémie !« Exaspéré par ce sujet récurrent, il a prouvé qu’il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour maintenir la cohésion de la communauté.

Si les habitants interrogés ont compris la nécessité pour les restaurateurs de maintenir des activités rentables, il s’agissait pour eux d’un enjeu de « santé publique ». « Nous n’avons pas dormi depuis des années, ou même pas dormi du tout. Bien qu’il s’agisse d’un droit de sommeil de base, c’est très sérieux.« Un autre résident associé à SOS Enric Granados et French s’étonne que la mairie ne protège pas la santé des habitants de la rue. »Si un événement empêche les barcelonais de manger, la mairie l’interdit, mais ça ne fait rien ! Ne pas dormir peut mettre en danger la santé physique et mentale des personnes !Elle ne parle pas de « vivre » à proximité, mais de « survivre ».

Plus de terrasses touchées par le Covid-19 à Barcelone

Carrer d’Enric Granados dit que la pandémie de Covid-19 n’a pas seulement échoué à simplifier les choses, elle les a compliquées. Les terrasses ont été agrandies d’environ 50%, selon les estimations collectives des riverains, et n’ont pas été démolies malgré le permis spécial Covid qui a pris fin il y a plus d’une semaine. De plus, le nouvel établissement devrait voir le jour, alors que le nombre de licences de restaurants dans la région a été atteint. Face au retour attendu des touristes cet été, les voisins en sont sûrs : »Nous avons vraiment peur de ce que cela va devenir« .

« La mairie a transformé la rue en un parc à thème en terrasse. Et nous, les résidents, semblons être des figurants dans ce théâtre. On pourrait presque penser que lorsque nous entrons et sortons de chez nous avec des charrettes pleines de fruits et légumes, c’était juste pour donner aux touristes un sentiment d’authenticité. C’était comme s’ils étaient dans une vraie ville avec de vraies personnes qui y vivaient…‘, un habitant de la rue était désespéré.

L’association SOS Enric Granados organise actuellement des rencontres avec la mairie et la police pour tenter de mettre fin à leur calvaire par la voie légale. Ils ont appelé à l’annulation des extensions de patio obtenues pendant la pandémie, à la réduction des horaires des bars-restaurants, à des contrôles stricts du volume et à des sanctions. Mais face à la pression de l’industrie de la restauration et à la volonté des autorités de relancer le tourisme perdu ces dernières années, le conflit semble loin d’être résolu, a déclaré Carrer d’Enric Granados.

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