SOS : Mon conjoint et moi mangeons différemment


Aujourd’hui, manger de certaines manières est de plus en plus courant. En fait, du paléo au végétalien, la sensibilisation dans la cuisine n’a jamais été aussi grande. Ajoutez à cela l’intolérance au lactose, l’opposition aux heures de repas ou les interdictions religieuses, et vous obtenez une version diététique d’une tragédie amoureuse.

« C’était tellement traumatisant pour moi que l’une des premières questions que j’ai posées aux personnes qu’elle a rencontrées par la suite a été : ‘Êtes-vous végétalien ?' ».

Khalid, 46 ans, est pharmacien. Il a rencontré Célia* au travail il y a quelques années. Au début, ils s’entendaient bien, et bientôt le jeune couple a décidé d’emménager ensemble. Si leurs carrières semblent suivre des chemins similaires, en cuisine, ils n’ont pas forcément les mêmes habitudes. « Je mange de tout mais très peu de porc à moins que je ne sois invité chez les gens », a expliqué Muslim Khalid. En attendant, sa compagne de l’époque était végétarienne, et d’ailleurs sa thèse de pharmacie portait sur le sujet. « Elle n’est pas végane parce qu’elle mange du fromage, mais pour elle, c’est un peu une entorse à ses principes, souligne-t-il. Elle essaie de remplacer les laitages par des substituts de légumes dès que possible. Le midi, les jeunes couples à cause du travail sont occupés et mangent rarement. » Le soir, ils se retrouvent autour d’assiettes. « Chacun a son assiette prête, explique Khalid. Si je veux de la viande, ça ne la dérange pas que j’en mange, mais je peux la cuisiner moi-même, ce qui me convient parfaitement. »

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réponse claire

Au départ, il n’y avait pas de querelle pour la nourriture et les amoureux vivaient en paix pendant un certain temps. Cependant, à l’approche du Ramadan, Celia n’a pas hésité à faire part à son partenaire de son désaccord avec la pratique religieuse. « Pour elle, le ramadan ne faisait que causer des douleurs inutiles à son corps », se souvient Khalid. Livres, articles, vidéos… sont de bons outils pour aider le pharmacien à convaincre son proche d’abandonner l’idée du jeûne. « Je ne vais pas vous forcer à suivre le même régime que moi, c’est votre choix personnel », a expliqué Khalid d’une manière ou d’une autre. Alors je veux que tu fasses pareil. » Mais la jeune femme était absolue : pour elle, son choix avait du sens, alors que le choix de son partenaire était aberrant.

désir d’identité

Une fois le ramadan terminé, les relations reviennent à la normale et les tensions s’apaisent rapidement jusqu’au ramadan de l’année suivante. C’est alors que Celia a décidé de mettre fin à leur histoire. « Pour elle, c’était essentiellement la religion qui était la raison de notre rupture », a déclaré le médecin. Selon sa vision des choses, nos habitudes alimentaires ne devraient pas être très différentes. Je ressens un réel désir de me fondre avec des personnes partageant les mêmes idées plutôt que de rechercher des compléments. On le remarque souvent chez les personnes aux convictions fortes. A ce niveau, je suis une personne qui peut changer, mais on ne peut pas me forcer à changer. Je change par croyance, mais jamais sous pression. »

théorie de l’olive

Les fans de How I Met Your Mother peuvent en témoigner : Selon la théorie de l’olivier, pour qu’un couple fonctionne, il est indispensable qu’un des partenaires aime le petit oléagineux vert tandis que l’autre le déteste. Spoiler alert, en pratique c’est une toute autre histoire ! Si la romance de Khalid et Celia semble concrète, dans la vie de tous les jours nous rencontrons divers scénarios où la nourriture est un sujet de débat entre couples. « L’alimentation joue un rôle très important dans une relation, et c’est souvent sous-estimé », explique la psychothérapeute Aurélie Barliat. Le repas reflète symboliquement l’équilibre au sein de la famille, mais aussi le rapport de chacun à son corps et à son identité. »

Les gens attachent la plupart de leurs identités et valeurs à la nourriture. D’un point de vue biologique, les assiettes que nous préparons chaque jour affectent évidemment notre santé, mais nous permettent aussi d’exposer nos nombreuses options au reste du monde. « C’est une sorte de carte de visite, poursuit Aurélie. Un vegan, par exemple, va communiquer des valeurs et délivrer un message à travers son assiette, même s’il n’en a pas envie. »

Pour Aurélie, la symbolique de la nourriture est plus forte chez les femmes, qui se sentent obligées de correspondre à l’image d’une « bonne mère » au foyer. « L’alimentation matérielle est aussi symbolique et, pour beaucoup de femmes, nourrit d’amour. Par exemple, si un mari ou un enfant n’aime pas un plat qu’il aurait pu cuisiner, c’est comme s’il n’aimait pas. »

Selon elle, nous avons tendance à apprécier un autre sentiment, celui d’être chez soi. Cependant, avoir trop de similitudes avec son partenaire peut entraîner des risques de confinement. « D’une certaine manière, c’est trop facile et la relation s’appauvrit. Tout devient plat. Dans un ECG, plat signifie pas de vie. Il faut pouvoir monter et descendre, certainement pas à l’extrême », a expliqué le psychothérapeute. « Je comprends le théorème de l’olive : si nous aimons tous les mêmes choses, nous ne nous battons pas, nous ne sommes pas différents et nous n’avons rien à apprendre les uns des autres. Et bien sûr, l’inverse , ce n’est pas parce que nous avons beaucoup de choses en commun que nous ne pouvons pas avoir de relation. »

mots-clés : tolérance

Mais pour Aurélie, une chose est sûre : les humains ont tendance à créer bien plus de problèmes qu’il n’y en a. « Si un couple se sépare en matière de régime, je demanderais d’abord pourquoi est-ce si important que chacun ait le même régime ? En fait, c’est souvent un manque de tolérance ou d’ouverture d’esprit qui est à l’origine de complications. « Pour moi, ça ne marche pas. Les raisons ne marchent pas, dit le professionnel. Le maître mot est la tolérance. Si j’aime les olives et vous pas, alors tout le monde peut accepter et tolérer cette différence. C’est riche. »

C’est à travers le même principe que Khalid analyse ses relations passées : « Avant, je pensais que les minorités étaient plus tolérantes envers les autres minorités, mais ce n’est pas toujours le cas. Parfois, on peut demander la tolérance pour soi-même, alors qu’on ne le fait pas forcément ». C’est ce manque d’ouverture et de désir de changement qui crée des problèmes à long terme.

La vision très dichotomique instaurée par l’éducation judéo-chrétienne répandue en Occident ne facilite pas non plus la tâche des psychothérapeutes. « Il y a des gens bons et des gens méchants. Il faut être parfait, sinon on se retrouve dans une mauvaise situation, développe Aurélie. Mais en réalité, les gens sont aussi isolés intérieurement. Idem pour la nourriture : il n’y a pas de mauvaise alimentation, chacun a ses propres goûts et besoins, certainement pas extrêmes. »

travail de communication

Derrière les fourneaux, comme dans la vie, la communication reste l’outil premier du bon fonctionnement des relations. « Cela commence par être clair sur vos besoins, insistent les experts. Si votre partenaire a l’habitude de sauter le dîner, expliquez-lui que c’est un moment de communication important pour vous. Peut-être qu’elle est à ce moment-là de la journée. La relation l’a quittée. » avec de mauvais souvenirs d’enfance. Des deux côtés, il faut s’exprimer car votre partenaire ne devine pas ce que vous ressentez. »

Il pourrait aussi être intéressant pour les psychothérapeutes de se poser les questions suivantes : Si nos conjoints doivent suivre un régime alimentaire spécifique pour des raisons médicales, cela pose-t-il autant de problèmes ? Alors pourquoi ne pas tolérer cette différence lorsqu’il s’agit de questions de valeurs, de goûts ou d’habitudes, tant qu’elle ne nous est pas imposée par l’autre partie ou ne nuit pas à sa santé.

Faire des exceptions pour l’être cher est souvent nécessaire pour maintenir une relation, à condition bien sûr de ne pas se perdre dans ces compromis et de voir l’autre faire autant d’efforts. Il est efficace de définir plusieurs jours de la semaine pour préparer une ou deux fois le plat préféré de chacun, et vous le dégusterez ensemble. De plus, la cuisine est un excellent moyen de se rapprocher des autres. Il peut s’agir d’une nouvelle activité que vous faites ensemble, du choix des ingrédients au marché à la préparation de recettes en passant par la mise à table. Car au final, il n’y a pas que les résultats qui comptent !

Merci à la psychothérapeute Aurélie Bailliat

https://www.coach-somato-treatment.com/

*Le nom a été changé

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