Quel est le sort des fruits et légumes moches du Québec?


Quel est le sort des fruits et légumes difformes ou coulés du Québec? Qu’en est-il des exigences des grands concessionnaires ? Et les attitudes des consommateurs ? C’est une petite incursion dans la réalité alimentaire dite « laide ».

Les fruits et légumes moches se perdent au Québec

Selon un porte-parole d’IGA (Sobeys), Metro (Super C) ou Maxi et Provigo (Loblaw), alors que plusieurs grandes chaînes d’alimentation ont pris des mesures contre le gaspillage, ces alternatives ne concernent que les invendus, tandis que les aliments jugés inesthétiques ne sont pas couverts (Fortin , 2014).

Il faut mentionner que les petites épiceries réutilisent les aliments périmés pour préparer les repas. Cependant, certaines grandes chaînes ne peuvent pas le faire car cela n’est pas conforme à leur politique.

Source de la demande : consommateurs ou détaillants et distributeurs ?

Certains pensent que ce sont les consommateurs qui exigent la perfection physique d’un fruit ou d’un légume. Nathalie Saint-Pierre du Conseil canadien du commerce de détail est d’accord (Proulx, 2014). Dans quelle mesure les consommateurs québécois sont-ils influencés par la publicité et les conditions culturelles, et vaut-il mieux promouvoir un aliment considéré comme beau ?

André Plante, directeur général de l’Association des producteurs du Québec, est convaincu que la vente à rabais de fruits et légumes de forme irrégulière sera un succès au Québec (Radio-Canada, 2014). Selon lui, il est de plus en plus difficile de répondre aux demandes des grands distributeurs qui feront en sorte que les producteurs agricoles jettent « 20 à 25 % de leur production » (ibid.). Or, selon les distributeurs, ces demandes émanent des consommateurs (ibid.).

Aussi, un membre des AmiEs de la Terre de Québec nous a dit que, selon la plupart des études, les distributeurs gaspillent très peu de nourriture. Selon Jacques Nantel, professeur au Département de marketing des HEC à Montréal, la demande québécoise d’aliments déclassés à moindre coût pourrait encore être négligeable (Proulx, 2014). Si la proportion de consommateurs prêts à acheter des aliments déclassés est faible (disons 10 %), M. Nanter s’interroge sur la volonté du marché de changer les règles (ibid.).

Est-il possible de croire que les normes fédérales et les normes de l’industrie privée contribuent également à l’absence de marché pour les aliments moches ? D’une part, il faut dire que les produits exportés proviennent de meilleures conditions d’ensoleillement, et l’utilisation d’engrais ou de pesticides y est parfois plus intense… ce qui peut accentuer l’aspect du produit. ‘ici.

Bref, l’avenir des fruits et légumes moches du Québec est-il en grande partie entre les mains des consommateurs, dont la demande pour de tels produits doit être majoritaire pour que les détaillants et les distributeurs s’adaptent?

Côté français, il y a des matières pour s’inspirer. Plusieurs chaînes proposent déjà des rabais sur les produits alimentaires déclassés, à l’aide de campagnes de marketing accrocheuses avec un grand succès. Peut-on s’attendre au même succès pour une telle initiative au Québec?

Quelques initiatives dont nous pouvons nous inspirer

Happy Choice: Le projet Garden of Unity

Il existe d’excellentes options pour réduire le gaspillage alimentaire laid. Voici un exemple de projet québécois prometteur : les Jardins de l’Unité. Fondé en 2014, le groupe redistribue le surplus des déclassements des producteurs au Patriot Food Aid Board, qui le fournit aux familles dans le besoin.

L’organisme communautaire est basé à Saint-Joseph-du-Lac et œuvre dans les MRC de Deux-Montagnes et de Mirabel Sud. Plus d’une douzaine de producteurs sont actuellement impliqués dans le projet. Rien qu’en juillet, deux tonnes de légumes destinés au gaspillage ont été redistribuées par Jardins Solidaires (ibid.). Les bénévoles du projet cultivent également leurs propres légumes sur un terrain emprunté par l’entrepreneur local Philippe Brunet.

faim, engrais, électricité

Parlons d’une autre alternative qui valorise les fruits et légumes moches. Daniel-Yves Martin, chercheur à l’Institut de recherche et de développement en agriculture (IRDA) de l’usine de Saint-Lambert-de-Lauzon, travaille sur un moyen de broyer les aliments déclassés et de les centrifuger pour les séparer. Les parties solides du liquide, puis les chauffent, puis les sèchent, mettant ainsi fin à l’activité microbienne. Ces aliments sont ensuite transformés en granulés d’engrais. Contrairement au compost, cet engrais est riche en azote et en carbone.

Quant à la partie liquide, elle peut être utilisée pour produire de l’électricité. L’IRDA a conçu une batterie alimentée par l’activité des bactéries qui se nourrissent de ce fluide dans les fruits et légumes dégradés. Selon M. Martin, l’énergie produite pourrait être utilisée pour alimenter l’usine de boulettes (Cliche, 2013).

Cependant, il y a plusieurs questions à se poser au sujet de cette initiative. Peut-on parler de réduction à la source et de changement de style de vie ici ? Les aliments sains destinés à être gaspillés ne devraient-ils pas d’abord aller aux affamés ? Si les aliments pourrissent, les options d’engrais et d’électricité s’appliquent-elles toujours ? Cela semble plus logique.

Par Laurence Morin, bénévole au Comité Save Your Food des Amis de la Terre Québec

bibliographie

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