Quand les pensionnaires autochtones sont des cobayes nutritionnels


Les nutritionnistes Catherine Lefebvre et Bernard Lavallee animent le podcast On s’appelle, on déjeune ensemble(nouvelle fenêtre), où nous partageons des découvertes liées au monde de l’alimentation et discutons de sujets qui font réfléchir. A écouter sur OHdio !

En 2013, Ian Mosby, historien politique de l’alimentation, de la santé et du colonialisme autochtones, a publié un article intitulé Gestion de la science coloniale : recherche sur la nutrition et expériences biomédicales humaines dans les communautés autochtones et les internats, 1942-1952.

Il parle des recherches approfondies effectuées sur les pensionnaires dans six pensionnats indiens du Canada (nouvelle fenêtre).

au nom de la malnutrition

Au début des années 1940, le gouvernement canadien savait que les pensionnats et les communautés autochtones faisaient face à la famine. En 1942, une équipe de recherche a commencé à étudier la malnutrition en visitant cinq communautés cries du nord du Manitoba : Norway House, Cross Lake, God’s Lake Mine, Rossville et The Pas.

À leur arrivée, les scientifiques ont noté une malnutrition sévère chez les résidents, qui consommaient en moyenne 1 470 calories par jour. Ce nombre de calories est similaire à celui consommé par les participants à l’expérience Minnesota Hunger d’Ancel Keys (nouvelle fenêtre), menée la même année dans le but de simuler la faim.

Les chercheurs ont même dit que si les résidents étaient blancs, ils leur demanderaient de recevoir un traitement. Cette insécurité alimentaire entraîne des problèmes de santé plus généraux dans cette population que chez les non-Autochtones.

Par exemple, le taux de mortalité par tuberculose au Manitoba à l’époque était de 27 pour 100 000 habitants. Dans les communautés autochtones de la province, on parle d’environ 1 400 habitants sur 100 000. De plus, leur taux de mortalité infantile est huit fois plus élevé que dans le reste du Canada.

Les internats comme laboratoires de recherche

Les chercheurs recommandent donc une étude approfondie d’un ou deux ans pour démontrer les effets des interventions nutritionnelles en ajoutant des suppléments de vitamines et de minéraux au régime alimentaire de certains résidents malnutris pour prévenir la tuberculose. Cela signifie que le groupe témoin, qui souffrait également de malnutrition, n’a reçu aucune supplémentation.

Il convient de noter que la qualité globale des soins de santé est insuffisante. Ian Mosby a déclaré que les services médicaux offerts aux peuples autochtones, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du système des pensionnats, étaient bien en deçà de la moyenne. Avec l’apartheid, le Canada a alors créé « des hôpitaux indiens, financés à une fraction du coût des installations des colons ».

Pour les chercheurs, cependant, réduire la malnutrition des résidents est aussi un moyen de protéger les Blancs de ce qu’ils appellent les réservoirs indiens, qu’ils considèrent comme des vecteurs de maladies.

Plus tard, en 1947, la Baie James entreprend une nouvelle étude pour comprendre le lien entre la nutrition et la santé dans la région nordique. Les chercheurs pensent que la plupart des problèmes de malnutrition chez les peuples autochtones sont dus à leur dépendance excessive à l’égard des aliments achetés en magasin et à leur manque d’accès aux aliments traditionnels.

Les scientifiques ont une fois de plus découvert des carences nutritionnelles. Pour remédier à cela, ils croient qu’il serait préférable d’éduquer les Autochtones, notamment pour faire de meilleurs choix alimentaires. Ils ont été encouragés à chasser, pêcher et jardiner, bien que l’accès au territoire ait été largement restreint par les colons.

L’année suivante, 1948, une nouvelle étude a commencé, avec 1 000 enfants de six internats servant de cobayes. Leurs régimes alimentaires n’ont pas été suffisamment modifiés ou maintenus pour tester les effets de certains aliments ou suppléments de vitamines et de minéraux sur leur santé.

Ces études sont insuffisantes pour améliorer significativement la prise en charge de la malnutrition des résidents. Au lieu de cela, selon les chercheurs, il faut en apprendre davantage sur le lien entre la santé et la malnutrition.

Si les études semblent terriblement contraires à l’éthique, Ian Mosby pense qu’il convient de rappeler que les horreurs des internats sont pires que les études.

Pour en savoir plus, écoutez l’épisodeOn s’appelle, on déjeune ensemble(nouvelles fenêtres). Nous avons eu une discussion avec Sipi Flamand, vice-présidente du comité de bande Atikamekw à Manawan, et Laurence Hamel-Charest, étudiante au doctorat en anthropologie à l’Université de Montréal, dont la thèse porte sur la transformation du patrimoine alimentaire de la communauté. Manque Simon.

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