« Le Roquefort ne se réduit pas à un algorithme » Sébastien Vignette (interview)


Alors que le débat sur l’étiquetage nutritionnel (FoP of pre-package labelling) se poursuit en Europe, les critiques sur les scores nutritionnels se multiplient, rassemblant ainsi par inadvertance des produits traditionnels européens injustement notés par des algorithmes​​​​. Après l’huile d’olive espagnole, le prosciutto, les fromages français… surtout le Roquefort le plus célèbre. Sébastien Vignette, Secrétaire Général de la Fédération Générale de Roquefort, explique ici son point de vue sur cette question. Des interviews exclusives et sans concession.

Scientifiques Européens : En tant que Secrétaire Général de la Confédération Générale de Roquefort, vous avez organisé une table ronde sur le Nutri-Score lors du SIA 2022. Pourquoi ce sujet est-il si important pour vous ?

Sébastien Vinnet : Cette table ronde s’est concentrée sur les limites du Nutri-Score, un système qui semble totalement inadapté aux produits bénéficiant de labels de qualité. C’est un combat que nous menons depuis bientôt un an, non pas contre le Nutri-Score, mais contre son utilisation dans les fromages AOP/IGP, ce qui est un non-sens.

En effet, ces derniers sont les héritiers de recettes ancestrales inaltérables et répondant à un cahier des charges strict, garantissant leur qualité et leur lien avec le territoire. Ces spécifications ont également été publiées et ont suscité de nombreuses critiques.

Non, nous n’utilisons pas de lait pasteurisé et écrémé pour faire du Roquefort, ni d’épaississants à la place des graisses ou de conservateurs chimiques à la place du sel ! Fini le Roquefort ! Les buts réédictés n’ont évidemment aucun sens ici. Par conséquent, notre demande d’exemption s’applique non seulement au Roquefort, mais également aux fromages AOP/IGP plus généralement.

Non, avec cette demande de dérogation, nous ne confondons pas qualité ou origine avec contenu nutritionnel.

Non, la transparence ne manque pas, car le fromage AOP/IGP se trouve correspondre à un produit peu transformé, donc les listes d’ingrédients comme les tableaux nutritionnels qui figurent au dos de nos produits ne sont ni trop longues ni compliquées à comprendre !

Les produits premium sont aussi des produits spéciaux ainsi consommés, qui permettent de manger des spécialités locales, de maintenir la diversité des goûts et de diffuser le patrimoine gastronomique. Ils ne peuvent être réduits à des algorithmes ou à de simples arguments marketing.

Au final, si l’on ne peut s’accorder que sur une focalisation sur l’information des consommateurs et l’incitation à une alimentation plus saine et plus durable, encore faut-il que l’information ne soit pas tronquée et contribue à une véritable éducation alimentaire. Ce n’est pas le cas du Nutri-Score, qui pénalise les aliments qui ont des bénéfices pour la santé par des jugements holistiques, simples, simplifiés et naïfs, mais qui sont tout de même reconnus et documentés – notamment le fromage – et n’ont donc aucune place dans la balance des Le régime.

Si on fait appel à la science, alors j’aimerais entendre les dernières observations, par exemple, qu’il n’y a pas de lien entre la consommation de lait et les marqueurs de maladies cardiovasculaires, peut-être même la consommation de matières grasses laitières, et même l’étude de l’Anses reliant la consommation de fromage à un risque 2 plus faible de diabète de type.

Le Nutri-Score est donc en quelque sorte une éducation anti-alimentaire ! Nous sommes proches de la réglementation. Il est « prêt à penser » voire « prêt à manger » et donne des informations partielles et biaisées et privilégie les produits ultra-transformés.

Plus généralement, on oublie de plus en plus les produits, on s’apprête à se noyer sous une forêt de signes qui ne cesse de s’agrandir, et, diablement bien intentionné, on finit par privilégier la plupart des produits industriels. Cela se produit lorsque nous voulons expliquer la complexité à travers le prisme de la simplification extrême.

Alors soyons clairs, si le Nutri-Score a du sens pour les produits industriels hautement transformés, il doit leur être réservé, mais nos fromages AOP/IGP ne peuvent pas être placés sur le même plan et doivent en être exemptés.

Ton. : Dans cet événement, l’adjoint LR du Cantal Vincent Descoeur vous défend, il confirme en substance qu’une canette de soda light (coté B) est mieux notée qu’une portion de Salers ou de Roquefort (coté D ou E), alors qu’en fait ces fromages sont plus bénéfiques, est-ce un peu exagéré de « tromper les consommateurs » ?

Par rapport: Pas du tout. Premièrement, il n’y a pas de consensus parmi les scientifiques sur le Nutri-Score, dont beaucoup que vous avez interrogés dans cette revue. De nombreux diététiciens et nutritionnistes se sont également exprimés, soulignant ses limites.

Par conséquent, l’algorithme prend rarement en compte les éléments positifs : moins nombreux, moins de pièces, et ils produisent également moins de points. Par exemple, les protéines et le calcium sont sous-estimés. Plus généralement, les micronutriments et les vitamines, bref, les micronutriments d’intérêt ne rapportent tout simplement pas.

Le Nutri-Score ne valorise pas non plus les acides gras insaturés. De nombreux professionnels soulignent également que cela découle également de la punition excessive des acides gras saturés étant obsolètes, car selon les dernières recherches, il est nécessaire de faire la distinction entre les différents acides gras saturés, surtout que tous les acides gras saturés ne sont pas créés égaux. Selon quantité et substrat (naturel ou ultra-transformé).

De plus, il ne fait aucune mention de cet « effet matrice », alors qu’il est désormais bien connu que la valeur nutritionnelle d’un aliment ne se limite pas à son contenu nutritionnel mais varie aussi qualitativement en fonction de sa structure physique et des interactions intervenant dans cette matrice, pointant vers le processus complexe de transformation Modifie la matrice alimentaire, altérant ainsi la qualité nutritionnelle des aliments, le devenir digestif des nutriments, leur impact métabolique et leur impact sur la santé.

Aussi, c’est l’élément de « tricherie » avec votre expression, le score nutritif ne dit rien sur la présence d’additifs, le degré de transformation, le processus de cuisson… Pourtant, ces critères sont aussi importants pour la santé. Nos produits AOP et IGP sont mal transformés et donc injustement pénalisés.

Au lieu de cela, le Nutri-Score profitera très clairement aux aliments ultra-transformés, et l’industrie peut le modifier à volonté pour obtenir un A ou un B en utilisant des additifs, des édulcorants, des conservateurs ou d’autres transformations complexes.

Dès lors, obtenir un A ou un B peut être un argument marketing pour séduire les consommateurs alors que la qualité nutritionnelle n’est pas forcément présente : risque d’aliments « vides » d’un point de vue nutritionnel, mais avec de nombreux additifs, dont le Nutri-Score ne dit rien. ..mais, de nombreuses études identifient aujourd’hui des risques importants entre surconsommation de produits ultra-transformés et maladies cardiovasculaires, obésité, hypertension artérielle…

Je vous invite à vous poser une question : par exemple, quelle est la valeur nutritive d’un soda light ? Evidemment nul. Belle simplification, car ce B sur fond vert est encore aveugle aux additifs intégrés pour obtenir une telle note et permettre au soda d’avoir l’air « sain » !

Et quand on l’entend maintenant, ne laissez personne venir nous le dire – mais je pense qu’il faut sauver les soldats du Nutri-Score – un bon score Nutri-Score ne veut pas dire qu’un produit est sain !

Premièrement, la communication précédente était clairement le contraire. C’est même toute l’idée du Nutri-Score ! Par conséquent, nous ne pouvons pas prétendre que les scores nutritionnels n’indiquent pas si un produit a des avantages pour la santé. Le Nutri-Score ne se limite pas à prendre des données sur la teneur en nutriments, il les agrège en un score et juge un aliment en lui attribuant un code couleur très important, le rouge étant associé au danger et le vert à la permission. De plus, ses promoteurs encouragent la consommation des produits les mieux notés et réduisent la consommation des autres produits sans différenciation supplémentaire des produits. Cependant, gardons à l’esprit que selon diverses études, plus de 50% des produits selon le Nutri score (et donc notés A ou B) sont des aliments ultra-transformés, ce qui est encore plus évident pour le « marketing » alimentaire destiné aux enfants. .

Ensuite, je vais vous donner un avant-goût de l’importance des admissions : si dans ce cas un bon Nutri-Score peut cacher un produit malsain, si vous pouvez justement améliorer le vôtre en utilisant des additifs et en poussant plus loin l’hyperconversion Score, alors quel est le sens des informations qui sont envoyées au consommateur, quelles sont les informations qui lui sont vraiment utiles ? Évidemment, notre objectif est faux. Dans les fromages « ersatz » fabriqués avec de l’amidon ou un autre agent de texture à la place de la matière grasse et ayant reçu un Nutrient Score C et des fromages AOP notés D ou E (90% des fromages sont notés D ou E) mais pas des produits ultra-transformés, qui ne vous pensez est plus délicieux?

Mais ce n’est pas tout, rappelons que les promoteurs du Nutri-Score recommandent de limiter la publicité des produits classés DE aux heures de grande écoute, là encore sans faire de distinction entre les produits apparentés (pour rappel, les mêmes autorités sanitaires recommandent de consommer des produits laitiers, dont le fromage, selon l’avis du Haut Commissariat à la Santé Publique, celle-ci ne doit pas dépasser 30 grammes par jour). Imaginons cette situation : Demain, notre fromage AOP ne pourra plus faire de publicité pour la période pertinente, quand les chaînes de restauration rapide pourront faire de la publicité pour leurs burgers et autres nuggets notés B ou C…  .parce que c’est bien – notre les enfants sont connus pour vouloir se faufiler sur le fromage AOP, mais ne sont jamais impressionnés par les publicités vendant des produits industriels ultra-transformés qui leur sont plus ciblés… et ont un score nutritionnel plus élevé… nous marchons dedans…

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