METEX : Acides aminés pour une alimentation animale sans soja
L’industrie de la viande est souvent sous le feu des projecteurs pour son empreinte carbone élevée. Pourtant, des solutions existent pour réduire cet effet, et la nutrition animale est l’un des leviers les plus importants. Comme pour l’alimentation des volailles, une solution consiste à remplacer le soja par des acides aminés issus de la fermentation. La société METabolic EXplorer (METEX) a réalisé une ACV complète des acides aminés selon la source de production, prouvant que les émissions de carbone des acides aminés produits en France sont 5 fois inférieures à celles produites en Chine !
Nous nous sommes entretenus avec Nicolas Martin, directeur du développement durable et des affaires publiques chez METEX NØØVISTAGO, premier producteur européen d’acides aminés pour la nutrition animale et filiale de METEX, à l’origine de l’étude ACV.
Nicolas Martin, directeur du développement durable et des affaires publiques chez METEX NØØVISTAGO (Image : METEX)
MEtabolic EXplorer (METEX) est la technologie leader en Europe pour la production par fermentation d’ingrédients fonctionnels naturels pour la nutrition animale et la cosmétique.
Cette démarche ACV s’inscrit dans la stratégie du plan de transformation METEX pour orienter la production de l’usine d’Amiens vers des spécialités à forte valeur ajoutée.
Les résultats de cette ACV sont disponibles en ligne pour les clients et partenaires de l’entreprise, et les données seront intégrées dans la prochaine version de la base ACV Agribalyse, publiée le 6 octobre 2022.
Le salon international de l’élevage « SPACE 2022 » s’est tenu à Rennes début septembre. NØØVISTAGO a été primé pour cette initiative inédite et fait partie des 36 lauréats du label Innov’Space 2022.
Ingénierie : Quel est le rôle des acides aminés en nutrition animale ?
Nicolas Martin : METEX NØØVISTGO produit des acides aminés pour l’alimentation animale. Les acides aminés sont les éléments constitutifs utilisés pour fabriquer des protéines. Alors que certains peuvent être synthétisés par les animaux, d’autres acides aminés doivent être apportés par l’alimentation. Ceux-ci sont appelés acides aminés essentiels.
Les animaux peuvent obtenir ces acides aminés essentiels de deux manières : par le biais de matières premières agricoles (comme le soja) ou directement sous forme d’additifs ajoutés à l’alimentation.
Fournir ces acides aminés sous forme de suppléments présente un avantage : chaque composant peut être quantifié et donné exactement ce dont l’animal a besoin. Un autre avantage est que les ingrédients sont conçus pour être 100 % digestibles, ce qui signifie que les animaux peuvent absorber toute leur nourriture.
Qu’est-ce qui vous a poussé à démarrer ce processus d’ACV ?
Nourrir les animaux avec des acides aminés augmente l’efficacité alimentaire et consomme moins de ressources pour atteindre une croissance égale.
C’est sur la base de ce constat que nous avons décidé d’initier la démarche ACV pour démontrer que les animaux ainsi nourris ont une empreinte environnementale plus faible que les animaux non nourris.
De fil en aiguille, nous examinons l’impact de nos propres produits et comparons ensuite leur impact aux acides aminés importés de l’étranger. Les résultats sont significatifs : l’empreinte carbone des acides aminés produits en France est cinq fois inférieure à celle des acides aminés chinois, et environ trois fois inférieure à celle des acides aminés d’autres sources.
L’approvisionnement en acides aminés en Europe dépend de quelques pays. La production européenne (100% française !) est clairement un atout pour la décarbonation (Crédit image : METEX).
L’étude LCA a également révélé deux chiffres importants. D’une part, les acides aminés peuvent contribuer entre 5 % et 30 % à l’empreinte carbone de la viande, selon leur quantité et leur origine.
En revanche, passer d’un approvisionnement non européen en acides aminés à un approvisionnement européen pourrait réduire de 10 % l’empreinte carbone de la viande !
Pourquoi les acides aminés ajoutés ont-ils un impact réduit sur l’environnement ?
Principalement parce que ce mode de nutrition réduit l’apport d’azote organique. Avant d’être transformé par les plantes, cet azote est cependant apporté minéralement par les engrais azotés dont la production est connue pour son fort impact sur l’environnement.
L’apport d’acides aminés permet d’optimiser la nutrition et de réduire l’apport de protéines brutes totales dans l’alimentation, limitant ainsi la consommation d’engrais azotés.
Aussi, une chose que vous devez savoir : la principale source de protéines dans la volaille est le soja. Une ressource dont la culture peut entraîner une déforestation à grande échelle.
De plus, les acides aminés sont produits par fermentation biologique par des bactéries, de l’ammoniac (une source d’azote), du sucre et de l’énergie pour la stérilisation. La production française de METEX se distingue de la production étrangère par le mix énergétique décarboné d’une part et la provenance du sucre d’autre part. En effet, la France a la particularité d’utiliser la betterave sucrière pour produire du sucre, alors que le reste du monde utilise la canne à sucre ou le maïs dans le cas de la Chine.
Pourtant, la betterave a un gros avantage environnemental : elle peut produire 80 t/ha de maïs contre 15 t/ha ! Aussi, le sucre produit par la betterave est le saccharose, directement assimilable, alors que le maïs ne l’est pas, composé majoritairement d’amidon, qu’il faut hydrolyser pour obtenir du glucose.
C’est donc un produit de l’agriculture locale. Vos ingrédients s’inscrivent-ils dans une démarche d’économie circulaire ?
Nous appelons à des efforts pour accroître la transparence et considérer les acides aminés dans une économie circulaire. Aujourd’hui, quand on parle d’aliments locaux dans les spécifications, cela se limite aux céréales.
Pourtant, les acides aminés sont omniprésents et aucun porc ou poulet français n’est actuellement nourri sans cet ingrédient. Vu la provenance de tous les ingrédients, une véritable économie circulaire est possible, d’autant plus qu’une partie de notre sous-produit est de l’engrais qui retourne dans les champs de betteraves sucrières à côté de l’usine !
Est-il possible de nourrir des volailles sans soja à long terme ?
Nous sommes désormais en mesure de concevoir des produits de nutrition animale 100% sans soja. Cependant, ils sont plus chers.
De plus, le soja n’étant pas pris en compte dans les crédits carbone, cela pénalise les solutions comme la nôtre.
C’est une anomalie, car la prise en compte du soja réduirait fortement l’impact environnemental de la filière avicole et passerait à une solution sans soja, donc plus éthique.
Réduire la quantité de soja doit aussi avoir un fort impact stratégique !
En effet, les acides aminés locaux sont un atout important pour la souveraineté protéique et la compétitivité des élevages français et européens. Il faut aussi savoir qu’1 tonne d’acides aminés peut remplacer 30 tonnes de soja, en termes simples.
Cependant, notre usine produit 100 000 tonnes d’acides aminés par an. Si METEX vendait tous ses produits en France, nous n’aurions plus besoin d’importer du soja !