Obésité sévère : un modèle de maladie chronique complexe


Claire CARETTE, Service de Nutrition, Hôpital Georges Pompidou Europe, Centre Spécialisé Obésité du Sud Ile-de-France, APHP, Ville Université de Paris

L’obésité est considérée comme une maladie chronique depuis plus de 20 ans, mais elle est souvent perçue de manière négative comme un trouble psycho-comportemental associé à une « faiblesse de volonté » aux yeux de la société. Cependant, il s’agit bien d’une maladie dans laquelle l’excès de masse graisseuse tend à devenir chronique et résistant aux traitements, entraînant les patients dans un cercle vicieux d’altération du tissu adipeux, de comportements alimentaires anormaux et de sédentarité (1). Le début de la maladie est polymorphe, certaines formes d’obésité commençant très lentement dans l’enfance, tandis que d’autres surviennent soudainement ou de façon continue. Les causes de l’obésité commencent à être connues. Il s’agit de susceptibilité génétique, d’anomalies endocriniennes, de causes environnementales, psychosociales ou traumatiques (2). Le microbiote intestinal ou le milieu intra-utérin ont également été mis en cause.

Face à cette morbidité, de nombreuses recommandations (et parfois commerciales) fleurissent, notamment concernant les « régimes diététiques » (3). Il est bien connu que tous ces régimes, quels qu’ils soient, sont basés sur la restriction calorique dans le but de modifier l’équilibre énergétique et de réduire le poids. Aucun de ces régimes n’est supérieur à l’autre en matière de perte de poids, souvent modeste et surtout difficile à maintenir à long terme chez les personnes sévèrement obèses (4). Les régimes très restrictifs en termes de contenu énergétique peuvent conduire à des résultats plus spectaculaires et rapides, mais ils peuvent entraîner des troubles du comportement alimentaire parfois sévères et compromettre leurs bénéfices à moyen terme. Au final, la recommandation la plus plausible semble être un rééquilibrage alimentaire pour répondre aux besoins énergétiques en personnalisant les recommandations en fonction des préférences alimentaires du patient, tout en limitant la restriction calorique pour qu’elle soit réelle mais pas drastique (5). L’objectif est de perdre 5 à 10 % de votre poids corporel sur une période prolongée d’au moins 6 mois. Ce rapport fait l’objet du dernier résumé de la HAS, publié en juin 2022 (6). L’activité physique est l’une des clés d’un traitement réussi. En effet, si le rééquilibrage alimentaire peut entraîner une perte de poids, l’activité physique pour maintenir cette perte de poids sur le long terme est indispensable. L’activité physique peut augmenter la dépense énergétique pendant l’exercice, mais aussi à l’extérieur car elle augmente la masse musculaire et donc la dépense énergétique au repos, évidemment en fonction de la quantité de masse musculaire. L’activité physique est un terme utilisé à dessein, il ne s’agit pas strictement d’exercice, mais de bouger autant que possible et de lutter contre le mode de vie de plus en plus sédentaire dans lequel nous vivons. La lutte contre la sédentarité et l’inactivité physique doit être prioritaire. Selon les dernières recommandations de la HAS (6), les objectifs d’activité physique suivants doivent être progressivement atteints et adaptés aux personnes obèses : – 150 à 300 minutes par semaine d’activité physique d’intensité modérée ou 75 à 150 minutes par semaine d’activité physique vigoureuse Aérobie (endurance) intensité basée sur l’exercice ou une combinaison équivalente d’exercices d’intensité modérée et vigoureuse ; – Entraînement de renforcement musculaire impliquant tous les groupes musculaires au moins 2 jours par semaine ; – Interruption régulière du temps sédentaire pour une activité physique de faible intensité , et réduire le temps de sédentarité. Ces recommandations d’activité physique aident également à prévenir les maladies chroniques : diabète, cancer, arthrose, etc. Des outils connectés tels que les podomètres dans la plupart des smartphones aident à motiver les patients à atteindre les 10 000 à 12 000 pas par jour recommandés par l’Organisation mondiale de la santé. Pour aider à la perte de poids, en plus des changements de mode de vie mentionnés ci-dessus, des innovations majeures au cours des deux dernières années ont impliqué des pharmacothérapies qui peuvent être utilisées pour traiter l’obésité sévère et complexe (7).En effet, si la prise en charge nutritionnelle échoue (perte de poids à 6 mois < 5%),HAS 建议对 BMI > Les patients à 35 kg/m2 ont commencé un traitement par analogue du GLP1 (6). Il est recommandé de le prescrire d’emblée aux patients dont l’obésité compromet leur autonomie ou entraîne une altération sévère du fonctionnement des organes et des modifications limitées du mode de vie. Depuis mars 2021, le liraglutide 3 mg/j (Saxenda®) est homologué dans l’indication « obésité », mais il n’est pas pris en charge par l’assurance maladie, ce qui limite fortement son utilisation. Le sémaglutide 2,4 mg (Wegovy®) est commercialisé en France depuis mars 2022 avec remboursement des ATU de cohorte dans des populations cibles bien précises (voir article dédié dans le même numéro). Enfin, la chirurgie bariatrique a le mieux démontré son efficacité à court et à long terme chez les patients sévèrement obèses avec des comorbidités pouvant être améliorées par la chirurgie. Les recommandations de la HAS pour la chirurgie bariatrique sont aujourd’hui dépassées, mais sont en cours de révision et devraient être publiées d’ici fin 2022 (8). Le bypass gastrique et la sleeve gastrectomie sont les interventions les plus pratiquées, avec des bénéfices évidents en termes de perte de poids et de réduction de la mortalité (voir un article dédié dans le même numéro). Des alternatives à la chirurgie bariatrique ont été développées au fil des ans, comme les manchons endoscopiques, qui sont actuellement en cours d’évaluation (9). Ces différentes recommandations d’interventions « mini-invasives » associées aux nouveaux médicaments pourraient avoir des implications majeures pour la prise en charge de l’obésité dans les années à venir (voir un article dédié dans le même numéro). En plus de ces différentes options de traitement, les soins psycho-comportementaux sont également essentiels. Les troubles de l’humeur, en particulier la dépression, seront recherchés et traités parallèlement à la thérapie. Les troubles alimentaires sont fréquents, en particulier les crises de boulimie (équivalentes à la boulimie, mais sans comportement laxatif, c’est-à-dire sans vomissements ni prise de laxatifs), et en réponse à une psychothérapie telle que la thérapie cognitivo-comportementale (CCT). La place de l’éducation thérapeutique est clairement dans la prise en charge de l’obésité comme dans toute maladie chronique. L’un des écueils de la prise en charge de l’obésité en France est qu’en définitive seules la chirurgie bariatrique et les consultations médicales sont prises en charge par l’assurance maladie. Les conseils diététiques, les conseils en activité physique adaptative, les conseils psychologiques et les conseils actifs en matière de médicaments ne sont pas remboursés. Cependant, divers groupes académiques ont clairement mis en évidence le fait que les changements de style de vie ne peuvent se faire qu’au prix d’un suivi régulier et fréquent par des diététiciens, des professeurs d’activité physique, des médecins et des psychologues ou des psychiatres (10 ). C’est ce modèle de soins actifs multidisciplinaire qui montre souvent une certaine efficacité. L’avenir se tourne vers les outils connectés et la télésurveillance, qui pourraient être et ont été des partenaires importants de cette prise en charge, mais doivent démontrer des bénéfices scientifiques et médico-économiques.

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