Combattre les inégalités sociales d’accès à une alimentation saine et durable


Alors que la nutrition peut déterminer quels aliments répondent à nos besoins, l’épidémiologie nutritionnelle éclaire les effets de l’alimentation sur notre santé, et si l’agronomie et l’écologie s’intéressent à la durabilité de notre alimentation, il n’est pas de discipline qui n’étudie ce qui est sain, durable et régime alimentaire pratique. C’est pourtant ce que fait depuis 20 ans Nicole Darmon, directrice de recherche à l’unité MOISA de Montpellier, en utilisant une méthode qu’elle appelle « la nutrition quantitative ».

La nutrition quantitative mobilise des méthodes mathématiques appliquées à des données alimentaires et diététiques sur de multiples critères : contenu nutritionnel, prix, impact environnemental, consommation, recommandations d’apports nutritionnels, etc. Ces méthodes incluent, entre autres, le profil nutritionnel des aliments et les techniques d’optimisation sous contraintes permettent d’identifier des combinaisons d’aliments répondant à un ensemble de besoins, nutritionnels, budgétaires ou environnementaux.

Grâce à cette approche, Nicole Darmon a montré depuis le début des années 2000 que plus la contrainte budgétaire est importante, plus la qualité nutritionnelle de l’alimentation se dégrade. Elle a également pu identifier un budget minimum en dessous duquel il est difficile, voire impossible, d’avoir une alimentation saine et durable. Ce seuil a été calculé à 3,85 euros par personne et par jour en 2016, et selon les chercheurs, ce chiffre aurait dû augmenter ces dernières années. C’est la théorie. En pratique, d’autres variables entrent en jeu : culture, environnement social, goût, etc. Alors comment rendre concrètement accessible une alimentation saine et durable, notamment pour les plus vulnérables ? C’est la question centrale des recherches de Nicole Darmon, qu’elle a appliquées à différents contextes : aide alimentaire, cantine scolaire, ravitaillement à domicile. Là encore elle mobilise une approche ingénieuse, la recherche interventionnelle : « C’est un travail de terrain, c’est long et ça demande des moyens humains et financiers, mais ça permet de tester des politiques publiques pour qu’elles soient vraiment pertinentes et pertinentes pour la population et ça marche ».

Offrir une aide alimentaire de qualité

En 2003, Nicole Darmon a conduit le projet E3A pour étudier la qualité nutritionnelle de l’aide alimentaire française, entre autres, avec pour objectif ultime d’identifier les moyens pour que chacun ait accès à une alimentation équilibrée répondant à l’ensemble de ses besoins nutritionnels. montrent que l’aide apportée ne répond qu’à une partie des besoins caloriques de l’usager et, du fait des contraintes imposées par l’association, repose souvent sur des produits faciles à conserver, comme les féculents raffinés (riz, pâtes, semoule), contenant des les matières grasses, les biscuits et les autres sucreries, par rapport à leur haute teneur énergétique (faible densité nutritionnelle, haute densité énergétique), sont de mauvaises sources de vitamines et de minéraux.

« L’étude E3A montre clairement que ces associations sont soumises aux mêmes contraintes de budget, de lieu, de temps, de connaissances… que les personnes qu’elles aident. L’aide alimentaire apportée présente souvent les mêmes résultats pour les mêmes raisons à partir des mêmes déséquilibres nutritionnels. que les gens aident avec le régime. »

Nicole Darmon a ensuite travaillé sur un référentiel encore utilisé aujourd’hui pour le contenu « idéal » des colis d’aide alimentaire. Outre la qualité de la nutrition apportée, cet ouvrage met en lumière toutes les limites de l’aide alimentaire : lourdeurs administratives et logistiques, dons déséquilibrés, taux de non-consommation élevés… Confrontée à ces constats, Nicole Damon a participé à un nouveau Le Terrain 2010 Étude : Concevoir, tester et évaluer un programme de soutien pour aider les personnes à faible budget alimentaire à faire des achats alimentaires plus équilibrés sans augmenter leurs dépenses. C’est ainsi qu’est né le projet Opticourses®.

Vers une sécurité alimentaire durable

En novembre 2021, Terra Nova, un groupe de réflexion, a publié un rapport visant à « éclairer les questions liées à la précarité alimentaire en France et à élaborer des principes directeurs pour promouvoir un environnement institutionnel et politique propice à une sécurité alimentaire durable ». experts mobilisés par Terra Nova, quatre chercheurs INRAE, dont Nicole Darmon.Après avoir rappelé le contexte, le rapport « décrit les contraintes structurelles du système actuel d’aide alimentaire » puis analyse les systèmes existants, traditionnels ou alternatifs Enfin, l’étude propose des pistes de réflexion pour développer des approches de prévention plutôt que de guérison et promouvoir une sécurité alimentaire durable, notamment en mettant l’accent sur l’idée de sécurité alimentaire sociale.
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Opticourses®, une alimentation équilibrée à petit budget

Les aliments suggérés, tels que les fruits et les légumes, sont des sources de calories coûteuses, tandis que les aliments gras et sucrés fournissent des calories peu coûteuses. C’est pourquoi il est plus difficile d’avoir une alimentation équilibrée quand on a un petit budget.

Nicole Darmon explore une autre voie vers l’aide alimentaire à travers le programme de prévention Opticourses. Ici, les chercheurs visaient à responsabiliser les personnes ayant de fortes contraintes budgétaires afin qu’elles puissent faire des achats plus équilibrés liés aux besoins nutritionnels sans augmenter leurs dépenses. La nutrition quantitative suggère que les recommandations nutritionnelles peuvent être respectées à petit budget lorsqu’elles dépassent un seuil critique de 3,5 à 4,0 euros par adulte et par jour. Les outils pédagogiques d’Opticourses® ont été construits avec des publics défavorisés, des travailleurs sociaux et des nutritionnistes de la région nord de Marseille. Ils s’appuient sur des ateliers de brainstorming autour des stratégies d’achat, à partir des reçus des participants et de « trucs et astuces ». En parallèle, les participants ont été informés des aliments alliant qualité nutritionnelle et juste prix (QNP) et ont reçu un diagnostic économique nutritionnel de leur approvisionnement. Autre volet du plan, cette fois dans les supermarchés de proximité : proposer une alimentation QNP de qualité, visible et attractive. Ces deux composantes reposent sur le système dit d’analyse nutritionnelle des aliments, un autre outil nutritionnel quantitatif : le système SAIN,LIM, qui a été développé en 2008 pour classer les aliments selon leurs caractéristiques nutritionnelles, permettant des comparaisons en termes de qualité nutritionnelle et de prix.

Restauration de groupe pour des repas plus sains

Près de 6 millions d’enfants en France en bénéficient et les repas collectifs scolaires sont un levier puissant pour permettre aux jeunes d’accéder à une alimentation saine et durable. Nicole Damon a participé à l’évolution des recommandations de repas de cafétéria au début des années 2000, sur la base de calculs effectués avec des méthodes nutritionnelles quantitatives : manger plus de crudités, plus de fruits en dessert, du poisson non transformé, et limiter les gras et les faibles en protéines (raviolis, croquettes, etc. .). Quel est le coût d’un tel développement ? Nicole Darmon a contacté les acteurs concernés, sur la base de simulations du coût de différentes séries de repas, montrant que l’augmentation provoquée par l’augmentation de la quantité de fruits et légumes dans le repas est compensée par la réduction de la portion de viande ou de poisson plus adaptée aux enfants. Les résultats ont confirmé la décision d’appliquer ces règles nutritionnelles dans les repas scolaires. Aujourd’hui, Nicole Darmon s’intéresse à la qualité nutritionnelle des repas végétariens servis à la cafétéria et, plus généralement, à la durabilité. Premier résultat : Par simulation, en augmentant la fréquence des repas végétariens (de 4 des 20 repas actuels à 12 de la série de 20 repas) et aux autres repas. Cela nécessiterait de modifier la réglementation existante, qui impose toujours la viande rouge dans les écoles (au moins 4 fois dans une série de 20 repas).

Nicole Darmon soutient également le développement d’une initiative de prévention et de lutte contre les inégalités sociales de santé (ALAPAGE) pour les personnes âgées. Comme Opticourses®, il s’agit d’une étude interventionnelle de longue haleine, bénéficiant des apports de multiples disciplines et de l’expertise unique de scientifiques à l’interface complexe entre recherche et action.

Lien interne

Quelques années après sa retraite, Nicole Darmon tente aujourd’hui de trouver un modèle économique viable pour étendre la démarche Opticourses® là où elle est nécessaire et pérenniser son action. Quant à la « nutrition quantitative », cette approche continue d’être utilisée, notamment à travers le lancement de MS-Nutrition, qui a contribué aux résultats des recherches menées sous la direction de Nicole Darmon et a permis d’estimer et d’améliorer la nutrition des aliments , paniers, menus et régimes de qualité.

le pouvoir de la rencontre

Nicole Darmon a débuté sa carrière comme technicienne à l’Inserm. Elle devient ensuite ingénieur biochimiste agroalimentaire puis étudie le rôle des antioxydants présents dans les fruits et légumes. Quelques années plus tard, elle termine un essai sur…

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