Une expérience de restaurant ou un spectacle dans et hors de l’assiette



Oliver Schwarzwald au nom de « Le Monde »

Manger au restaurant est une succession d’expériences plus ou moins heureuses qui débouchent sur une succession de repas plus ou moins réussis. J’ai tendance à penser que la plus grande satisfaction est obtenue lorsque vous vous engagez – en quittant à peine la table, en vous tenant la main – à revenir sur la scène dès que possible. Ensuite, plusieurs facteurs entrent en jeu. Parfois, quelques petites choses suffisent à vous faire passer un bon moment : la chaleur d’un accueil, le confort de la banquette, la longueur d’un verre de vin, le souvenir de cette petite noisette de beurre tartinée avec volupté sur une tranche de pain. Parfois c’est l’alchimie du sous-texte, et on ressent plus que l’on ne pense : la fluidité du service, l’enveloppe du décor, la touche du chef roulant doucement sur les papilles quand le plat est sur la table. En ce sens, le restaurant peut être vu comme un spectacle vivant, racontant une histoire différente à chaque service. Comme dans un théâtre, on vient y consommer une production éphémère en plusieurs scènes : entrée, plat, dessert. Sa scène varie selon la décoration (habillage de la salle, assiettes) et la performance des comédiens (chef, serveur et barman). Du début à la fin, il me semble que c’est la somme de tous ces micro-événements qui rend possible la construction de la mémoire et des sentiments.

Dans ces adresses expérimentées, les convives se rendent dans un lieu hybride où l’acte de manger devient interactif et mêlé de plaisir festif.

Poussé à son paroxysme, le concept scénique contribue à changer la nature même du restaurant.Par exemple, chez Alinea à Chicago, le chef Grant Achatz a construit toute une gamme de compétences culinaires, que je cite de lui, qui lui permettent de « résonance » avec les sens de ses hôtes. Le plus célèbre d’entre eux : un ballon comestible qui, une fois cassé sur une assiette, libère une vapeur parfumée. Chez Ultraviolet by Paul Pairet à Shanghai, la vue et l’ouïe des clients sont mises à l’épreuve dans un dîner immersif, qui intègre des projections murales, des effets sonores et des illusions d’optique. Plus près de chez nous, à Paris, vient d’ouvrir Ephemera, un concept restaurant inspiré par la mer. On vient ici pour déguster des fruits de mer au milieu d’écrans géants diffusant des chants de baleines et des modèles de dauphins.Dans ces adresses expérimentales, les convives ne se contentent plus d’aller « un établissement qui fournit des repas moyennant paiement »comme le définit Larousse, mais est en fait un lieu hybride où l’acte de manger devient interactif – et mêlé à la joie des fêtes.

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